Billet théâtre - février 2015

Eva Perón de Copi par la compagnie Esbaudie 

1952: Eva Perón, en phase terminale d'un cancer, s'est enfermée avec sa mère, son secrétaire, une infirmière et son dictateur de mari dans ses appartements. Dévastée par le funeste destin qui l'attend, le vernis se fissure et laisse apparaitre une femme vulgaire, égoïste et égocentrique, bien loin du mythe de "Santa Evita". 

Copi est un auteur argentin exilé à Paris, ville dans laquelle il écrivit cette pièce en 1969. Tirant vers le burlesque, Eva Perón est une pièce surprenante. Je m'attendais à un texte plus politique, centré sur le personnage polémique d'Evita Perón; mais ce que Copi semble ici dénoncer, ce sont les faux-semblants de manière beaucoup plus général. Tous les personnages sont d'ailleurs des hommes travestis en femme, à l'exception de l'infirmière, en costume sexy, symbole outrancier ici encore.

Sans trouver le texte d'une extrême profondeur, j'ai personnellement bien accroché au jeu des acteurs et à l'ambiance survitaminée de cette pièce. J'ai particulièrement aimé la prestation complètement barge de Sébastien Ventura dans le rôle de la mère. J'ai enfin trouvé plutôt savoureux que cette pièce provocatrice soit jouée dans une ancienne église. Un contexte décalé pour compléter le tableau de cette pièce drôle, grotesque et étrange. 

Un grand moment de déconne avec une touche de dénonciation politique! 

Eva Perón de Copi
Mise en scène: Stéphanie Dussine
Avec: Francis Audijer, Antoine de Giuli, Anne Laure Denoyel, Florent Robin, Sébastien Ventura
Espace culturel des Terreaux
5, 6, 8 février 2015


Porgy and Bess de George Gershwin par le New York Harlem Theatre

Dans le bidonville imaginaire de Catfish Row, en Caroline du Sud, vit Porgy, un infirme esseulé qui s'éprend de la belle Bess. Mais pour la garder à ses côtés, il lui faudra affronter le dealer Sportin' Life et le bad boy Crown, qui, gardent sur Bess une emprise néfaste. 

Porgy and Bess est un opéra en trois actes écrit par George Gershwin dans les années 30. Il dépeint le quotidien des Afro-Américains de l'époque et regroupe des influences musicales diverses, à la fois classiques, populaires et de jazz.

Difficile d'exprimer ce que j'ai pensé de cet opéra. Je n'ai ni aimé, ni détesté... J'ai trouvé l'ensemble "intéressant". Mon sentiment un peu cou-ci cou-ça s'expliquent par les points suivants:

1) La musique: Etiqueté "american folk opera", la partition musicale de Porgy and Bess m'a paru très inégale. Peu adepte/habituée de musique classique moderne, j'ai trouvé certains passages clairement dissonants, alors que d'autres m'ont fait penser à une parodie d'opéra, type "je parleeee en chaannntaaaaant" (ça le fait mieux avec le son mais je vous épargne ma voix de Castafiore). Heureusement, quelques moments de grâce avec bien sûr Summertime, I got plenty o' nuttin, ou I Loves Porgy, trois morceaux à l'influence clairement jazz plutôt que classique. Au final, on a l'impression que Gershwin s'est concentré sur ces quelques morceaux de jazz et qu'il a ensuite tenté de compléter le tout d'airs d'opéra, avec pour résultat un patchwork musical certes original mais à mon avis pas tout à fait heureux. 

2) L'histoire: Dans Catfish Row, la moitié des habitants sont des bigots un peu simplets et l'autre des parieurs, alcooliques, violents et bien sûr drogués. Je comprends que cet opéra ait été longtemps controversé. Il montre en effet une image extrêmement stéréotypée, et même dégradante des afro-américains. Même si, bien sûr, il faut replacer ce texte dans son contexte original, cet aspect m'a ici beaucoup plus gênée que dans Gone with the wind, ou dans Huckleberry Finn. Je trouve cependant intéressant que les héritiers de Gershwin aient exigé que Porgy and Bess soit joué par un casting entièrement noir, participant ainsi au lancement de la carrière lyrique de plusieurs chanteurs de couleur (source: Wikipédia).
Je passe également sur l'histoire un peu benête, fait plutôt commun à tous les opéras, et sur la fin "parfaite" (ironique) pour un soir de Saint-Valentin. 

Vous allez me dire, une musique et une intrigue qui me laissent un peu dubitative, ça fait pas mal pour un opéra. Mais la mise en scène, les décors, le jeu et les voix des acteurs, dans l'ensemble plutôt bons, ont rattrapé le tout. 

Au final, je suis contente d'avoir vu cet opéra une fois, dans une adaptation de qualité, mais je m'en retourne maintenant aux reprises des airs de Gershwin par Nina Simone, Ella Fitzgerald et consœurs.      

Porgy and Bess de George Gershwin
D'après: Porgy de DuBose Heyward
Direction artistique et musicale: William Barkhymer
Avec: Le New York Harlem Theatre
Grand Théâtre de Genève
13-24 février 2015

J'avais un beau ballon rouge d'Angela Dematté

Inspirée de la vie de Margherita Cagol, J'avais un beau ballon rouge, retrace le chemin et la vie de cette jeune étudiante italienne. Issue d'une famille conservatrice, Margherita va très vite se radicaliser suite à sa rencontre avec Renato Curcio, fondateur des Brigades rouges. Dans un dialogue qui oppose les idéaux et le besoin de changement de Margherita aux valeurs traditionnelles de son père, J'avais un beau ballon rouge offre le récit d'une relation mouvementée mais pleine d'amour entre un père et sa fille. 

En réunissant sur scène Richard Bohringer et sa fille Romane, J'avais un beau ballon rouge offre un beau moment de partage entre ces deux acteurs; complicité que le spectateur ressent d'ailleurs tout au long de la pièce. Cependant, j'avoue avoir complètement bloqué sur la prestation de Romane Bohringer, que j'ai trouvée surjouée et peu crédible, surtout au début de la pièce où Margherita est encore très jeune... et Romane probablement trop âgée pour jouer l'étudiante révolutionnaire. J'ai été plus convaincue par Richard Bohringer, en père dépassé par la violence de sa fille mais inquiet pour sa vie. 

Très attirée par le thème de cette pièce, je m'attendais à être plus bouleversée et interpellée par ce texte. J'ai aimé l'idée de cette opposition entre un père et sa fille, à la base très proches mais dont les opinions et idéaux deviennent vite irréconciliables. Le parcours de Margherita Cagol, dans l'Italie des années 60, reste également d'actualité; les idéaux ont peut-être changé, mais les mécanismes de radicalisation et le chemin vers la violence restent en partie similaires. A mon avis, le texte aurait cependant gagné à s'appuyer d'avantage sur ces éléments pour aller plus en profondeur.

Une pièce qui fait réfléchir au-delà de l'histoire personnelle de Margherita Cagol mais dont on aurait pu pousser les thèmes un peu plus loin. J'en ressors un peu mitigée malgré les excellentes critiques lues un peu partout. A vous de voir...    

D'après: Avevo un bel pallone rosso d'Angela Dematté
Mise en scène: Michel Didym
Avec: Romane Bohringer et Richard Bohringer
Création: Théâtre de la Manufacture, Centre Dramatique National Nancy Lorraine, 2013

En tournée en France, Belgique et Suisse jusqu'en juin 2015 (voir dates)

The Money Shot de Neil LaBute

Karen, actrice vieillissante (la quarantaine donc) et Steve, ancienne star de film d'actions, sont prêts à tout pour retrouver leur gloire passée et les lumières Hollywood. Tout? Ils sont justement engagés sur le projet d'un réalisateur européen qui espère atteindre le haut de l'affiche avec un film plutôt osé. Le jour précédant le tournage, Karen et Steve organisent un souper pour en discuter avec leurs moitiés.

Critique acerbe de la machine Hollywoodienne, où il faut parfois aller très loin pour rester sous les projecteurs, The Money Shot est une pièce drôle et potache. Elizabeth Reaser, Gia Crovatin, Callie Thorne et Fred Weller excellent dans leurs rôles de losers caricaturaux. Mention spéciale à Gia Crovatin qui offre une chorégraphie mémorable aux spectateurs.  

Les gags sont peut-être un peu faciles et déjà-vus, la trame fait probablement un peu trop de surplace, mais j'ai, dans l'ensemble, passé un bon moment de détente avec cette pièce

The Money Shot de Neil LaBute
Mise en scène: Terry Kinney
Avec: Elizabeth Reaser, Gia Crovatin, Callie Thorne et Fred Weller
MCC Theater, New York
www.mcctheatre.org

Commentaires

  1. Je voulais voir Porgy and Bess (complet depuis mi septembre, ai-je appris) ton billet me console, même si je suis assez tout terrain en matière d'opéra (sauf Wagner, mardi soir au cinéma je me suis ennuyée un peu) et me suis surprise à accrocher au Dialogue des Carmélites...assez parlé chanté aussi. bref.

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    1. Je pense que ça vaut quand même la peine de voir Porgy and Bess une fois dans sa vie, mais je pensais en sortir plus enthousiaste.
      Je suis loin d'être une grande connaisseuse en opéra et suis du coup plus sensible aux opéras bien accessibles types grands opéras italiens. Wagner, my god, je crois m'être à chaque fois endormie. Du coup, j'espère que tu auras un jour l'occasion de voir cette opéra à part; je serais curieuse de savoir ce que tu en auras pensé.

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  2. je devrais faire comme toi : j'ai deux billets théâtre en retard et le challenge d'Eimelle qui attend, qui attend ! Bises

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    1. J'aimerais parler plus rapidement des pièces que je vois, pour coller à l'actualité des salles, mais je ne trouve simplement pas le temps. En passant, avis à ceux qui font un petit séjour à Londres, The Nether, très bonne pièce...

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